dimanche 17 octobre 2010

Le HARA. Pour Manon....et les autres.


Hara par KG Dürkheim
Un autre souvenir me vient à l'esprit. C'était lors d'une grande réception: à la fin du repas, les invités - Européens et japonais - fumaient, debout, une tasse de café à la main.
Un ami japonais vint vers moi et, connaissant l'intérêt que je portais à ce genre de choses, il me dit:
« Voyez-vous, chacun des Européens ici présents se tient de telle sorte qu'il doit tomber automatiquement en avant dès qu'on le pousse, même légèrement, par derrière. Tout au contraire, les japonais ne perdraient pas l'équilibre, même s'ils recevaient un coup de poing dans le dos.» Mais d'où cette stabilité leur vient-elle?
Leur centre de gravité n'est pas déplacé vers le haut, mais il est fermement maintenu dans la région ombilicale, c'est-à-dire dans le centre vital de l'homme. Le ventre n'est pas rentré, mais il s'épanouit librement et est en même temps renforcé par une légère tension.
Les épaules ne sont pas tendues, mais relâchées; toutefois, le tronc a une assise ferme. La position droite ne provient donc pas d'une « tendance vers le haut», mais indique l'existence d'un axe qui repose, comme le tronc d'un arbre, sur une base solide et se maintient sans effort à la verticale. Peu importe que l'homme soit gros ou maigre. Attitude droite, stable et recueillie, tels sont les trois caractéristiques exprimant la présence du Bara aux yeux du Japonais.

Poitrine en avant - ventre rentré « Un peuple qui ferait de ce précepte un principe d'ordre général serait en grand danger»: voilà ce que me dit un Japonais en 1938. Cela se passait lors de mon premier séjour au Japon. A l'époque, je ne compris pas cette phrase. Mais aujourd'hui, je sais qu'elle est vraie et pourquoi elle est vraie.
« Poitrine en avant - ventre rentré», c'est l'expression la plus concise d'une mauvaise attitude fondamentale de l'homme, ou plus précisément d'une mauvaise attitude physique qui trahit et renforce une mauvaise attitude intérieure.
Comment !direz-vous, l'homme doit-il se tenir courbé, tordu ou affaissé sur lui-même? Certes non. Il doit, au contraire, se tenir bien droit! Mais ce précepte conduit à une attitude qui est contraire à l'ordre naturel.

Le déplacement du centre de gravité « vers le haut» et le fait d'être coupé de ce centre dérangent l'équilibre naturel entre tension et relâchement et font osciller l'homme entre un état de tension très forte et un état de dissolution.
L'homme qui possède le Hara a retrouvé le chemin de son centre originel et est capable d'en témoigner. Cela correspond à un état particulier qui concerne la personnalité tout entière, état dans lequel l'opposition corps/âme n'existe plus.

Ainsi peut-on dire qu'au centre de gravité psychique correspond le centre de gravité du corps. C'est pourquoi il est impossible de trouver son centre intérieur sans avoir trouvé le centre de son corps. Mais où celui-ci se situe-t-il exactement? Dans la région ombilicale ou, plus précisément, légèrement au-dessous du nombril.
Nous ne nous étonnerons donc pas d'apprendre que Hara, le concept du centre vital de l'homme, signifie littéralement ventre

Karlfried Graf Dürkheim

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